Et je ne suis pas le seul..!
Il suffit de taper son nom dans le moteur de recherche d'H&O : plus de 10 références ! Pas mal pour un circumnavigateur mort en 1954, qui n'a eu aucun lien avec la France, dont le livre sur son tour du monde entre 1921 et 1925 n'est plus disponible en traduction depuis bien longtemps [1], et qui naviguait sur un bateau américain qui n'a jamais été populaire en France (J'ai cependant croisé une réplique d'Islander à Sauzon cet été, sans pouvoir parler à son skipper). Sa page sur Wikipedia n'est même pas traduite en français, mais je vous invite à la lire si vous ne connaissez pas l'homme, tout comme les souvenirs de sa petite-nièce
Et vous sentirez certainement ce que cet homme avait de moderne dans son intérêt pour toute l'humanité...
Certains se souviennent sans doute du magnifique article qu'a écrit Eric Vibart dans le Spécial Salon de décembre 2007 de Voiles et Voiliers, illustré de belles photos de ce grand photographe qu'était également Harry Pidgeon.[2]
Au retour de son premier tour du monde, Harry Pidgeon écrit un long article de 66 pages dans la célèbre revue américaine National Geographic, illustré de nombreuses photos. C'est une mauvaise copie .pdf de ce document (en anglais) que je vous propose ici en téléchargement.
Découvrez aussi sur cette page une photo de lui peu connue.


Manchonnage de fortune sur la bôme d'Islander. La photo est prise à Suva, dans les îles Fidji (peut-être pendant son second ou troisième voyage autour du monde?) ©


Islander tout dessus par temps calme dans Table Bay, Afrique du Sud ©. On trouvera une photo grand format d'Islander sous voile ici


Voici une photo peu connue d'Islander parue dans la revue "Rudder" de septembre 1920 (Vol. 36, n° 9, p. 18) avec un court article dont voici la traduction, qui tente de respecter le style fleuri de l'époque...

Un grand exploit pour un modèle de la revue Rudder
par W.C. Sawyer

Le yawl de type Seagoer de la revue Rudder, dont les plans ont été publiés dans les numéros de juillet et août 1913, a fait l'objet récemment d'un test peu commun, avec des résultats très satisfaisants. Cette entreprise a été l'une des plus hardies (certains diraient téméraires) qui ne soient jamais parties d'un port de la côte Pacifique et ne peut rivaliser, à la connaissance de l'auteur, qu'avec le célébrissime voyage du capitaine Joshua Slocum.
Cingler de Los Angeles à Honolulu, un trajet de plus de mille huit cent milles, en solitaire sur un yawl de 27 pieds et 6 pouces à la flottaison, n'en feriez-vous pas un beau tapage?
Et bien, ce n'est pas le cas d'Harry Pidgeon. Il s'est contenté d'avertir deux ou trois de ses connaissances de son intention de faire cette traversée dès que sa main blessée irait mieux. Quelques jours après, le bateau n'était plus à son mouillage dans le port intérieur, puis il n'y eu aucune nouvelle jusqu'à ce que, un peu plus d'un mois après, la lettre qui clôt ce bref article ne fut remis à l'auteur sur son lieu de travail par le facteur.
C'est pendant l'été 1917 que le bateau a été construit par M. Pidgeon. Les plans publiés dans le Rudder ont été suivis à la lettre, à l'exception des membrures qui furent taillées un peu plus épaisses afin de remplacer par du pin d'Oregon le chêne, essence qui n'a jamais été employée. M. Pidgeon a réalisé ce travail entièrement seul, à l'exception d'un peu de sciage et de perçage dans une scierie proche. Le bateau a été assemblé dans les dunes de l'île Mormon à Wilmington. Le bateau terminé, M. Pidgeon a entrepris plusieurs croisières autour de l'île Catalina et parmi d'autres îles du Canal (de Santa Barbara?). A de nombreuses reprises, il a navigué seul de jour comme de nuit pendant au moins une semaine. Pendant l'été 1919, un groupe naviguant sur un yawl plus grand[3] de type Seabird l'incita à entreprendre de conserve une croisière à destination de San Diego; il ne put les convaincre d'aller plus loin; une fois son esprit tourné vers les climats tropicaux, les lacs de lave et tout le reste, il résolut de leur montrer que ce n'était pas lui qui avait peur.
Cet exploit semble bien digne d'être narré, d'où ce bref rapport. Les plans ultérieurs de ce Marin Solitaire ne sont pas connus à ce jour. On peut s'attendre à avoir de ses nouvelles de n'importe où. Une chose est sûre, ce n'est pas un tricheur, mais un véritable marin.
Ce qui suit est une lettre envoyée d'Honolulu, Hawaï, et datée du 4 juillet 1920.

J'ai hissé la voile le 4 juin et suis arrivé devant Honolulu dans la nuit du 30 juin. J'y suis entré le 1er juillet à l'aurore. Le temps a été plus agité et les épisodes nuageux plus nombreux que je ne l'avais imaginé. Avec un équipage, j'aurai pu faire la traversée en 18 jours ou moins. La grande aventure a été la rupture de la drisse de foc, m'obligeant à grimper en tête du mât pour en passer une autre. Les alizés avaient levé une mer forte, et je ne souhaite pas renouveler l'expérience. Avec un équipage où règne une bonne entente, c'est sûrement une magnifique croisière. Je n'ai pas rencontré de calmes, et à aucun moment le vent a été tel que je ne puisse faire la route désirée. J'ai quitté Clemente (une île au large de la côte californienne) avec un vent de nord-ouest, et dans les alizés, il était nord nord-est et parfois est sud-est.
HARRY PIDGEON


La revue Rudder a également publié en mars 1922 (Vol. 38 n° 3 p. 52) une lettre d'Harry Pidgeon, accompagnée de trois photos qui seront reproduites par la suite dans son livre. Elle est précédée d'une courte introduction. En voici la traduction:

Les images ci-dessous montrent Islander, dont Harry Pidgeon de Los Angeles, Californie, est le constructeur et le propriétaire. Ce bateau est tiré de l'article How to Build Seagoer (Comment construire le Seagoer) publié dans la revue Rudder de juin, juillet et août 1913. On se rappelle que le Seagoer a été conçu par Fred Goeller de la rédaction du Rudder d'après les plans du Sea Bird de Thomas Fleming Day, le rédacteur en chef précédent, après son retour de son fameux voyage transatlantique. Le capitaine Day voulait un bateau qui eût toutes les qualités du Sea Bird, mais avec un peu plus d'espace et d'autres aménagements qu'il avait trouvé par expérience désirables. Il semble que le Seagoer soit considéré par beaucoup comme un bel exemple de bateau apte aux traversées océaniques. Nous reproduisons ici une lettre de M. Pidgeon au capitaine Day.

Cher capitaine Day
Je vous envoie quelques photographies d'Islander, construit d'après les plans du Seagoer. Mon expérience préalable de la construction se limitait à quelques prames et canots à fond plat pour mon usage personnel. J'ai pratiquement fait tout le travail moi-même, y compris le dégrossissage de la quille et des membrures. En raison du coût et de la difficulté à se procurer du chêne localement, j'ai utilisé du sapin Douglas (= pin d'Orégon) presque partout. Seuls l'étrave et les pièces qui joignent le bordé à la poupe sont en chêne. Les couples mesurent 1 pouce 7/8 par 4 pouces 1/2. Le bordé s'étend 1 inch 1/4 au-dessus de la virure de galbord et 1 inch 5/16 en dessous. La virure de préceinte fait 2 inches, et celle de galbord 2 inches 1/2. Il n'y a pas de renforts dans le bordé au dessus du bouchain. Il y a deux mèches de calfat au dessus du bouchain et trois en dessous. La couture de galbord est fermée par 4 mèches. Le bateau ne fait absolument pas d'eau et celle qui entre provient des ouvertures du pont.
En 1920, j'ai mené Islander en solitaire jusqu'à Honolulu, hissant la toile dans le port de Los Angeles le 4 juin pour mouiller dans le port d'Honolulu le 1er juillet à l'aurore. C'était mon premier atterage par navigation astronomique. A Honolulu, j'ai embarqué comme équipier un jeune californien, E. A. Brooks, pour le voyage de retour, le 26 septembre, un peu tard dans la saison pour un voyage d'agrément dans un petit bateau. A partir de l'île, nous sommes remontés jusqu'à 36° N, cherchant les vents favorables pour mettre cap à l'est. Je ne pense pas que nous ayons eu du vent sur l'arrière du travers plus de 10 jours pendant la traversée. Nous avons eu du gros temps, avec des vents dépassant les 45 milles à l'heure. Islander s'est magnifiquement comporté, Une fois, nous avons pris la cape sous tourmentin et voile d'artimon arisée, et il soulageait à la lame comme un canard. Nous avions emporté une annexe brêlée sur le roof, mais, à différentes reprises, au près contre les lames, nous avons dû réduire la toile pour qu'elle ne soit pas emportée. Nous avons mouillé devant Santa Catalina le 4 novembre au petit matin, le vêtements raidis et blancs de sel, mais en pleine forme.
J'ai l'intention de faire route vers les Marquises dans quelques jours. Je partirai sans doute seul, car la personne qui avait prévu de venir avec moi n'est pas au rendez-vous.
Sincèrement vôtre
HARRY PIDGEON



Les plans de Seagoer, d'après le livre de Steve Doherty The Boats They Sailed (reproduit de la revue Rudder, 1946), en plus grand format ici.
Rig Gaff Yawl de la classe Seagoer, dessiné par Frederick William Goeller, Jr.
LHT: 10,40 m (34’)
Longueur à la flottaison: 8,40 m (27’ 6”)
Bau: 3.30 m (10’ 10”)
Déplacement: 5400 kg (12000 lb)
Voilure: 59 m2 (635 sq ft)
Construction : chêne et pin d'Orégon (= pin Douglas)
Le livre d' Harry Pigeon, page 5 ici contient d'autres plans. Il est intéressant de lire les remarques d'un architecte naval sur ce fil


Notes

[1] Enfin, une traduction est à nouveau disponible: Islander autour du monde en solitaire

[2] On trouvera 486 de celles-ci ici. Onglet Collections > Search Photography > Artist (select name). Choisir 'Harry Pidgeon' dans le menu déroulant , puis 'Find All'. Il y a des photos inédites d'Islander, à chercher en partant de la fin, comme celles reproduites à la fin du billet.

[3] NDT Plus petit ???