Est-ce un vocable poitevin nord-occidental, comme disent les savants du dialecte vendéen parlé à Noirmoutier ?

La fiche du dictionaire toponymique de la Vendée d'Edmond Boquier, est sèche:
Cob (le) (Aucun ancien nom connu) : pointe rocheuse, au nord-est de Noirmoutier-en-l'Île. Etymologie : Selon le Dr. Baudouin, cob serait employé pour Corb, de corvus, corbeau, (en l'occurrence, selon lui, le corbeau marin : le cormoran). Donc le Cob serait le rocher où se posent les cormorans.

Aucun ancien nom connu donc... La mauvaise carte de la Baye de Bourneuf par Bellin en 1762 porte bien le Cobe (comme déjà une carte anonyme de 1693 illustrée plus bas et une carte de Nicolas de Fer datée de 1714), et comme celle de Cassini, quelques années plus tard. Mais on n'imagine guère une alternative graphique pour ce monosyllabe.


Le Cob(e) sur la carte de Cassini n° 131 (Nantes) (1783-1786) ©


L'une des trois petites gravures montrant le Cob, dans le Pilote des Côtes Ouest de la France, par A. Bouquet de la Grye, Tome Second, partie comprise entre Loire et Bidassoa, Paris, Challamel Aîné, 1873 (pp. 11), réédition Le Chasse-Marée, Editions de l'Estran, 1988

N'épiloguons pas sur l'imagination fertile du bon docteur Baudouin, et tournons nous vers l'indispensable Pégorier de l'IGN, appelation familière des Noms de Lieux en France : Glossaire de termes dialectaux, du nom de son auteur.
Si l'on trouve facilement

Coba nf : 'abri sous roche' - Pyrénées - variantes : cobe, coèbe, cuèbe, cueva - Espagne

il ne peut guère s'agir de notre Cob(e). Le nom est féminin, la localisation ne convient pas, ni le sens d'ailleurs [1]

Si l'on élargit la recherche, en particulier à la sonore [g] à la place de la sourde [k], le breton goban (haut-fond (Finistère)) conviendrait pour le sens, mais guère pour l'origine.
Gobie (dépression où se perdent les eaux) ne soulève pas l'enthousiame. [2]

Le gaulois *gobbo (1) ('bec, bouche' [3], à l'origine du français gober par exemple, ne semble pas convenir sémantiquement

Mais si l'on consulte le TLFi sous le vocable écobuer, on trouve ceci :

''écobuer (1721) (RÉAUMUR, Mém. de l'Acad. des sciences, p. 299 dans DG). Terme dialectal de l'ouest (Bretagne, Touraine), dérivé de gobuis « terre pelée où l'on se dispose à mettre le feu » (1519 dans GDF.) (avec préfixe é-) lui-même dérivé du saintongeais gobe « motte de terre » se rattachant au gaulois *gobbo « gueule, bouche » d'où sont issus le français gober et l'ancien français gobet « bonne bouchée, morceau » (cf. G. DE COINCY, Mir. Vierge, éd. V.-F. Kœnig, II Dout. 34, 656) sens dont est dérivé par analogie celui de « motte de terre » (cf. FEW t. 4, 180b).''

Le saintongeais gobe, 'motte de terre', pourquoi pas... Une recherche sur internet fournit bien le substantif féminin dialectal oléronnais gobe 'Motte de terre ou de vase sèche compacte enlevée avec la "feurée" ou la "doue" lorsqu'on nettoie un marais'. [4]
Enfin, deux sociolinguistes ont proposé l'étymologie suivante pour engober (XIXe siècle) : dérivé de gobe, «morceau, motte de terre », terme dialectal normand.

Même si l'on peut émettre des réserves sur le rattachement au gaulois, il n'en reste pas moins que le terme dialectal gobe avec le sens de 'motte de terre' POURRAIT fournir une origine sémantique pour notre toponyme.
Mais le problème du genre reste dans ce cas entier: pourquoi Cob(e) est-il alors masculin à Noirmoutier ?

A suivre...


Extrait de la 8ème carte particulière des costes de Bretagne qui comprend l'entrée de la Loire et l'isle de Noirmoutier comme elles paroissent à basse mer dans les grandes marées (de La Voye, cartographe, copiée par Pène et Sauveur), édition de 1753 par Jacques-Nicolas Bellin. Cette carte est extraite du Neptune François (ou Recueil des cartes marines levées et gravées par ordre du Roy. Premier volume contenant les costes de l'Europe sur l'Océan...) dont la première édition, par Charles Pène, date de 1693. © Archives de Vendée


Carte des costes de Poitou d'Aunis et de Saintonge depuis l'Isle de Noirmoustier jusqu'a l'embouchure de la riviere de Bourdeaux.(1693)
© Gallica . La reproduction ci-dessus, tirée d'une carte de L. Brion de la Tour Partie de la Bretagne et du Poitou du Recueil des Côtes Maritimes de France chez Desnos, 1757 (reprise de l'édition Lerouge de 1757)) est en tout point identique et de meilleure qualité.




Une vue aérienne du Cob en 1945 ©


Le Cob (flèche) vu par Google. On voit la langue de sable (un quasi tombolo) reliant les rochers à la terre.


Le Cob sur la photo de la série des ortholittorales de l'IGN (position: 47° 1' 10,94" N - 2° 13' 32,16" W) ©


Extrait de la carte IGN au 1/25 000e

Notes

[1] Le rapprochement avec l'espagnol cueva pose d'ailleurs un problème phonétique: avec l'étymon latin cava 'fossé' (cf français cave) (ou même cavea 'enceinte où sont enfermés des animaux' cf. français cage) la présence du [b] nécessite une explication (voir cave et cage dans le TLFi)).

[2] Pour ce dernier, Internet fournit, dans un lexique des termes karstiques dialectaux, gobe, gobio (Périgord, Charentes), gobe, gove (région de Dieppe) au sens de 'doline' (Périgord, Charentes) ou 'habitat troglodytique' (Dieppe).

[3] cf. irlandais gob de même sens: P.Y. Lambert La langue gauloise, ed. Errances, 2003, p. 197 et TLFi). Rappelons que l'astérisque (*) devant un mot indique que celui-ci est reconstitué par les linguistes, et ne provient pas d'un texte / document (plus ou moins) contemporain. Par exemple, rix 'roi' en gaulois n'a pas d'astérisque car nous avons des textes latins contemporains et des monnaies qui mentionnent Vercingéto-rix ! (VERCINGETORIXS par exemple sur un statère d'or).

[4] Le sens de gobuis se rapproche peut-être de celui de l'adjectif caub(e), 'chauve, dénudé, aride' (Hautes-Pyrénées) dans le Pégorier.