[1] Sauf à vouloir être plus royaliste que le roi, pourquoi ne pas admettre les deux en français, même si on peut suggérer de suivre les habitants de l'île qui utilisent Palais, sans article, un leg de la langue bretonne aujourd'hui entièrement éteinte.[2]

La graphie bretonne pour la ville de Palais hésite, selon Favereau (Geriadur), entre Palae, Pales/z (le 'palais' d'un prince) et Porzh-Lae(z) (le 'port (d'en) haut'), que recommande aujourd'hui l'officiel Ofis ar Brezhoneg.
Mias dans la forme recommandée, faut-il traiter Lae 'haut' comme un adjectif (d'où 'port haut') ? On attendrait d'ailleurs plutôt la forme avec 'article' (à valeur sémantique de préposition) al-lae 'd'en haut' comme dans les dizaines de toponymes listés par le même Ofis.[3]
La sémantique du qualifieur lae 'haut'[4] est certainement peu satisfaisante.[5]
D'autre part, Palais se prononçait localement /paxle/ ou /baxle/ [6] alors que Porzh se prononçait vraisemblablement /pwarx/ sur l'île, ce qui n'est guère compatible[7]


Extrait de la carte n°536 de l'Atlas linguistique de la Basse-Bretagne (ALBB, 1927) pour 'port de mer' au singulier et au pluriel.

Une conclusion s'impose: Porzh-Lae, forme qui aurait sans doute été prononcée /pwarx-lø/ ou /pwarx-laxe/ par les habitants de l'île, est bien loin de la prononciation attestée /paxle/ ou /baxle/. La forme officielle du nom de la ville est donc (l'équivalent d') une 'étymologie populaire', sans réelle motivation selon nous, et ne renseigne donc en rien sur sa véritable étymologie. [8]

A ma connaissance, aucune étymologie bretonne ou celtique sérieusement argumentée n'a été proposée.[9]. Est-il besoin de préciser que le latin palatium (donc le breton Pales/z) n'est pas en course ici, malgré les rares monnaies romaines mises au jour? [10]

Dans ces conditions, pourquoi ne pas tenter la piste saxonne, à tester sur les graphies anciennes attestées?
La deuxième syllabe du toponyme suggère immédiatement la forme vieil-anglaise leáh, excessivement fréquente et ubiquiste dans les toponymes d'Angleterre, le plus souvent sous la forme -ley.[11]



Cartographie de 914 toponymes incorporant le vieil-anglais -leáh (source: INS)

Le sens original devait être 'clairière', puis par extension 'essart, friche, prairie, pâture'.[12]

Je suggère comme syllabe initiale le nom bord si fréquent sur Belle-Île (voir les précédent billets), d'où une forme restituée *bord-leáh, 'la clairière (ou la prairie) de la ferme'. [13]
Les formes ultérieures suivantes peuvent être phonétiquement motivées: /bor-le/, /bol-le/, /bo:le/ (avec une voyelle longue) et /baw-le/. [14]

On constate que les formes anciennes attestées ont toutes un 'p-' initial. Les incertitudes liées au jeu des mutations initiale ne sont pas un obstacle absolu à une étymologie germanique en /b/. [15]

La première forme connue est Palloë, au début du XVe siècle. Il est curieux de constater que cette forme est prévisible, mais à une métathèse près, qui touche /w/: /pawle/, proche de /po:le/, à la place de la forme /pal(l)we/ que suggère l'orthographe.[16] Cette conjecture est compatible avec la forme (sans doute phonétique) Polayns et Polains (/polen/?) du célèbre 'Grand Routtier et Pillottage' de Garcie Ferrande (1483). [17]

On trouve un peu plus tard Pallae[18] et à partir du XVIe, Pallay, formes qui peuvent être considérées comme 'attendues'. Une influence du français palais aurait dû éliminer '-ll-', ce qui renforce la crédibilité de ces graphies concernant la prononciation locale. [19]


Extrait de la carte de Waghenaer. On lit S(int) Pauwels pour Palais.
© loeb-larocque

La forme S(int) Pauwels[20] que l'on trouve sur une carte du Hollandais Waghenaer (1584/5) est très intéressante.[21]. On peut supposer une transmission orale par des marins et la voir comme un essai de transcription phonétique du toponyme, sans interférence graphique, par rapprochement partiel avec un nom existant en néerlandais. La prononciation moderne est /po:ls/ (avec une voyelle longue),
Cette forme est confirmée par une carte plus récente[22], mais 'inspirée' [23] de celle de Waghenaer où la graphie est (S.) Pols.[24]



En outre, une carte française de Jean Dupont datée de 1625 porte également (S.) Pol. Mais cette graphie n'est pas entièrement probante: si la forme générale de l'île est un peu plus proche de la réalité que celle de la carte précédente, l'identité des valeurs des sondes trahit à nos yeux une copie.[25]



En 1670 encore, une carte de Pieter Goss d'Amsterdam (page 23) porte S. Paul.


Quoi qu'il en soit, la forme /po:l/ n'est pas inattendue si l'on écarte le 's' final et si un fort accent initial tendait à réduire la voyelle finale.[26]

La minute du trait de côte au 14 400e levée par Beautemps-Beaupré en 1818 dans la zone de Palais comprend la transcription de la toponymie bretonne recueillie sur place. [27] La forme Er Palœfs [28] n'est pas facile à interpréter. Nous suggérons /pαlø/ avec un /α/ très postérieur [29] en raison de la présence d'un /l/ vélaire [30] provenant du 'll' ancien, qui a en outre coloré en /ø/ ('eu') la voyelle finale. [31]



Curieusement, le plus difficile semble être de réconcilier la forme de notre étymologie avec le breton du début du siècle, Pahle / Bahle, en ce qui concerne la présence du /x/ (phonétiquement [h]) prenant la place du premier /l/. Une contamination récente par la phonétique de Porzh /pwarx/ n'est pas à exclure, ou (une nouvelle !) évolution phonétique.[32]

Avant de clore ce billet, on peut noter que la graphie(bretonne) Porzh-Laez est l'homologue de la graphie française Port-Lay, petit abri sur la côte nord de Groix, ce qui pose la question de l'existence d'un toponyme saxon sur cette île. Un survol rapide de la carte de l'IGN n'a pas révélé à première vue de toponymes d'allure germanique.[33] Mais la situation de Groix, très proche de la côte, n'est pas comparable à celle de Belle-Île pour une éventuelle survie d'une colonie saxonne.


Bon, tout n'est pas parfait, loin de là. Il y a certainement matière à hypothèses alternatives, y compris dans le domaine germanique. [34] Mais comme le résultat ne me paraît pas insensé, et en l'absence d'alternative, j'ai décidé de publier cette première tentative...

A suivre...

Notes

[1] Pages 89 et 90 de la récente édition de son manuscript intitulé Histoire de Bel-Île (texte établi par N. Tafoiry, Coll. Ecrits Histoire, Ed. Ouest-France 2005).

[2] Les derniers témoignages sur le breton de Belle-Île recueillis in extremis par Patrick le Besco (un grand merci à lui) (Le Breton de Belle-Île-en-Mer - Corpus, Emgleo Breiz, 1998) attestent clairement d'un emploi sans article, par exemple /∂den a baxle/ 'un homme de Palais' avec 'a' préposition ('venant de') et absence d'article). On trouve cependant la phrase suivante /idyd zo b∂r-paxle / 'sa famille est à Palais' (que je comprends) /e-dyd zo ba ar-paxle/ (tud 'parentée', e-barzh > ba (préposition / adverbe) 'à = dans') qui semble bien contenir l'article 'ar' devant 'Palais'. Est-ce l'influence de la forme française officielle? J'avoue que les conditions d'une mutation douce éventuelle dans l'exemple de la page 27 ne sont pas claires pour moi. Cependant, comme nous le verrons plus loin, Beautemps-Baupré à recueilli sur place en 1818 la forme avec article Er Palœfs. Mais très généralement, les îliens n'utilisent pas l'article, à l'inverse des documents officiels (le Besco p. 13).

[3] Il est vrai que al disparaît parfois par assimilation avec le 'l' de lae.

[4] La prononciation de ce mot à Belle-Île est également différente de ce que donne à penser l'orthographe bretonne classique. P. Le Besco a recueilli 'lue' [lø] (le son du français 'eu') (dans 'da'r lue' ('en-haut') mais aussi 'lahe' [laxe], Joseph Loth (Quelques traits du breton à Sauzon, Annales de Bretagne XXV, 1909, p. 645) '(l)ahe' dans 'dirahe' ('en haut').

[5] On voit mal où serait le port (d'en) bas ! Pierre Gallen (Inventaire) glose 'important' au lieu de 'haut' pour contourner le problème.

[6] Patrick le Besco, p. 137. Le /x/ à l'intérieur d'un mot (graphie 'h') note un simple souffle [h] (p. 27). Mais cette réalisation doit être phonétiquement très proche d'un /R/ uvulaire non roulé très doux car P. le Besco regrette (p. 13) que Pierre Galen confonde souvent '/r/' et /x/ dans les textes de son Anthologie des Expressions Belliloises. Voir aussi la note sur Portz.

[7] P. le Besco a recueilli des formes voisines: /pwax/, également /pwar/, /por/, et /pwa/ dans quelques exemples. L'ALBB donne /pwarx/ à Locmaria, et /por°/ (°notant une légère aspiration) à Sauzon, contrairement à Joseph Loth qui avait recueilli /pwarx/ au même endroit. /pwarx/ semble donc la forme ancienne.

[8] Ceci est un simple constat linguistique, pas une condamnation.

[9] Dernièrement par exemple, J.Y. Le Moing, Noms de lieux de Bretagne, C. Bonneton, 2004, p. 140 a proposé l'anthroponyme Pallae, sans justification. La consultation de La langue gauloise de P.Y. Lambert ne m'a livré aucune piste.

[10] Aucun habitat de l'époque romaine n'est connu sur l'île. De plus, les graphies anciennes avec 'll' (que nous verrons plus loin) suffiraient d'ailleurs à semer le doute. Pour être honnête, d'après Le Moing, palatium (dans un acte du XIe siècle) a pourtant donné l'actuel... Le Pallet, en Loire-Atlantique, au confins du Maine-et-Loire.

[11] quelquefois -leigh, -ly. D'après Mossé, Manuel de l'Anglais du Moyen-Age, I - Vieil-Anglais, Aubier, 1950), la prononciation devait être [læaχ] ou [læ∂χ]: χ note la fricative vélaire ou uvulaire de l'allemand '-ch' dans Bach ('ruisseau) par exemple, ou le son correspondant à la graphie bretonnne c'h.

[12] D'après Orel (Handbook) ce mot dérive du germanique *lauxaz, qui a donné le vieux-norrois 'clairière', 'prairie’, le vieil-anglais léah ‘prairie, 'espace ouvert', le moyen-bas-allemand lo ‘buisson’, le vieux-haut-allemand lòh ‘buisson', 'bosquet'. La connexion avec la racine indo-européenne *leuk- ‘éclairé, 'blanc’ est...claire : une clairière (où poussent éventuellement des buissons et non des arbres, et qui peut être à l'origine d'une prairie) est un lieu de lumière dans une forêt. D'après le dictionnaire de Bosworth-Toller, il existait en fait en vieil-anglais un doublet morphologique (de même sens): un masculin (avec le génitif leás) et un féminin (génitif leáge) qui est à l'origine du 'quasi-suffixe' -ley.

[13] Il existe un Bordley dans le Yorkshire, mais l'érudit local interprète bord- comme board 'planche' : 'Board wood/clearing', probably referring to a place where these were made and/or obtained'. Un Budleigh (*bodl-leáh ?) dans le Devon pourrait correspondre à notre hypothèse.On notera aussi Boarley dans le Kent, où le 'd' en fin de syllabe devant consonne a pu disparaître, mais une autre étymologie (boar = sanglier) est bien sûr possible.

[14] /e/ notant 'é' ou 'è'. Les motivations phonétiques sont les suivantes: L'accent devait tomber sur la première syllabe, si l'on en juge par le breton récent. /pahle/ est le seul mot du lexique où P. le Besco le précise explicitement. La chute du 'h' final saxon et la simplification de la diphtongue 'eá' en résulte, d'où /-le/. La consonne 'd', prise en sanwich entre deux consonnes, s'amuit pour alléger le groupe consonantique lourd, d'ou /borle/. -r- peut donner -l- par assimilation devant -l-, d'où un /bol-le/ possible. On pourrait d'ailleurs partir directement de l'étymologique bold. Le premier 'l', en position post-vocalique peut passer à -w-, une transformation bien connue en phonétique historique, d'où /bow-le/ et même /baw-le/ par dissimilation (élargissement de la différence entre deux sons). La proximité phonétique entre /w/ et /o/ peut enfin conduire à la voyelle longue /o:/, d'ou /bo:le/.

[15] C'est apparemment gênant dans la mesure où les autres toponymes en bord- conservent b-. Mais le breton de Belle-Île conservait une variante en b- pour le nom de la ville, un argument favorable de poids. De fait, un /b/ germanique peut correspondre à /p/ pour un français (et un breton qui, sur ce point, possède le même système linguistique, sans aspiration pour l'occlusive sourde). En alsacien (dialecte germanique !) par exemple, le français parapluie est rendu (conformément à la correspondance entre sons et graphies) par ''barabli'': le 'p' français correspond au 'b' germanique.

[16] Faut-il incriminer la disponiblité de la graphie 'oë' en finale, et la difficulté à représenter le son /aw/?

[17] La partie concernant le Morbihan a été éditée par MM. Ducourtioux et Lallement dans le Bulletin de la Société Polymatique du Morbihan pour l'année 1912. Si Polayns / Polains est certainement Palais, y a-t-il eu attraction du toponyme Poulains (Poullenn, 'trou d'eau', 'coin de pêche'; étymologie discutée), au moins pour la terminaison, également mentionné par Garcie Ferrande comme nom de la pointe du nord de l'île?

[18] Pierre Gallen (inventaire) cite pahle au XIVƒe siècle, sans source, ainsi que pallae. A ma connaissance, cette seconde forme est du XVe: Histoire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, par Dom Placide Le Duc, édité par R.-F. Le Mer (1881).

[19] On a Pelay sur une carte de Nicolas Tassin (1634) (on notera l'interversion de Houat et Hoëdic !), aussi dans L. Garans, Belle-Île en Mer, p. 16; la version sur le site Gallica de la BNF n'est pas lisible). On retrouve cette forme sur une carte générale du 'Duché et gouvernement de Bretagne' de Nicolas Sanson (d'Abbeville) datée de 1650, qui paraît une copie de celle de Tassin. On hésite à mentionner la forme Pouille sur une carte générale de la Bretagne de Johannes Blaeu imprimée à Amsterdam en 1635 (également sur une quasi-copie française éditée à Paris en 1642). Il n'est pas possible de savoir si la prononciation impliquée est 'pouillé' ou 'pouill'. L'origine de la palatalisation de 'l' de 'ill' n'est pas claire.

[20] Du latin Paulus, (Saint) Paul.

[21] Cette carte, intitulée De zee Custe, met de Eylanden van Bretaignen, tußchenn Blauet en Picqueliers (La côte maritime, avec les îles de Bretagne, entre le Blavet et l'île du Pilier) est tirée de son célèbre atlas Spiegel der Zeevaerdt (Le miroir du marin), Ce sont vraisemblablement les premières cartes à porter des sondes. Les cartes de cet atlas ont été 'utilisées' par de très nombreux cartographes européens et reproduites sans grand changement jusqu'en 1695!

[22] Eygentlijcke afbeeldinge der Zeecusten van Bretaigne enn Poictou, Vray pourtraict des costes marines de Bretaigne et Poictou..., édité par Willem Janszoon en 1608.

[23] Le tracé de la côte de Belle-Île (Boelijn) est un peu plus précis, et des corrections importantes ont été apportées ailleurs. Mais l'étendue et l'allure générale sont identiques.

[24] Le breton correspondant est Sant Paol, /po:l/ (avec voyelle longue) ou /pawl/. Etait-ce ce qu'entendaient les pilotes bretons venus d'ailleurs et informateurs de Waghenaer, de la prononciation locale? Il ne peut en tout cas s'agir du saint patron de l'église de Palais, qui est l'obscur St G(u)érand (breton Gelan (Gerannus?)).

[25] On ne peut totalement rejeter l'idée que le bourg ait été appelé 'St. Paul' par les bretons continentaux, ou même par les habitants de l'île. Mais on n'imagine pas bien comment le nom 'Palais' a pu dans ce cas resurgir. La belle carte du Morbihan de Legrain (1637) semble porter Palay, si tant est que ces mentions manuscrites soient d'époque. Juste à côté, CHASTEAU en lettre d'imprimerie l'est certainement. C'est bien sûr la petite forteresse qui sera profondément remaniée et agrandie par Vauban à la fin du siècle.

[26] La préfixation de S(int) 'saint' peut surprendre, mais l'Ofis ar Brezhoneg liste un Saint Palais en 1719, sans référence. Je suggère qu'à cette époque, on a tenté, faute d'intelligilité en breton, de rapprocher le nom de la ville du nom d'un saint, peut-être Saint Pallais (Palladius) de Saintes. La liste de J. Loth Les noms des Saints Bretons ne contient aucun 'saint' breton qui convienne.

[27] Publiée par Olivier Chapuis dans l'extraordinaire ouvrage (tiré de son doctorat) intitulé A la mer comme au ciel - Beautemps-Beaupré et la naissance de l'hydrographie moderne, Presse de l'Université de Paris-Sorbonne, 1999, p. 540.

[28] Confirmée par une seconde mention dans Tal ivern er Palœfs, pour distinguer cette pointe de celle de même nom près de Bourhig (transcrit Tal Ihuern (la prononciation vannetaise de Infern) sur la carte de 1819 = Le front/la falaise de l'Enfer = La Pointe de Taillefer).

[29] Celui de 'pâtes', tirant vers 'o', opposé à celui de 'patte'.

[30] Celui de l'anglais 'pill' opposé au français 'pile'.

[31] la graphie 'œfs' peut faire songer à la terminaison plurielle -ew (surtout si l'on imagine l'interversion 'eo' à la place de 'œ') mais on voit mal la racine sur laquelle porterait ce pluriel. On notera que Favereau donne /pal∂z/s/ comme l'une des prononciations de pales/z 'palais', mais la transcription de Beautemps-Beaupré n'indique pas clairement la présence d'un /s/, /z/ (ou éventuellement /h/) en finale. Enfin, la finale /-lø/ est l'une des prononciations locales de lae 'haut'. Mais alors, à nouveau, la syllabe initiale pa- (ou pal-) n'a pas d'interprétation claire.

[32] En supposant la conservation en breton de /bor-le/, le passage du -r- dental au -r- uvulaire /R/ d'où /boRle/ (difficile à dater, peut-être une influence française assez récente) puis l'hésitation entre /R/ et /x/ (que nous avons déjà souligné) fournit une (maigre) piste.

[33] Je note, sans insister, un Kersauze près de Locmaria et un Landost près du bourg, mais une interprétation bretonne à partir de lan- est bien sûr possible.

[34] L'adjectif "lae" 'fidèle, croyant' (avec la voyelle simple 'è') n'est guère attrayant ici. L'Ofis ar Brezhoneg reconnaît, outre lae(z) 'haut' et lae 'fidèle', l'existence d'une troisième forme. A propos du toponyme Pellae (1836) sur la commune de Beuzec-Cap-Sizun, Pel- est interprété comme Penn assimilé en Pel- devant le 'l' de lae avec ce commentaire: On pourrait avoir affaire à l'ancien lae, lai, resté inexpliqué, qui semble comporté (sic) une diphtongue anciennement. Ce terme obscur entre en composition dans plusieurs toponymes (Torrlae, Killae, Konlae...) et des anthroponymes (comme le nom de famille noté "Le Lay" par exemple...). Je note, sans insister, que Torrlae a une allure germanique (vieil anglais et vieux saxon dor, 'porte', 'poterne') et que nous sommes sur une presqu'île. Mais il pourrait s'agir du celtique tor(r), 'ventre', mais aussi 'colline', bien attesté en gaélique irlandais, gallois et écossais.